textes rencontre de partage mai 2022

 

Thème                                                     Le  Vide Créateur

Citations de M. Zundel

1/ La reconquête en nous du moi oblatif et le décollement du moi biologique se fait toujours sous l’aimantation de l’humanité de Jésus qui est en nous un ferment permanent de libération.

(Cit.. P. Debains 99)

2/ Toute notre vie consiste à nous désapproprier de nous-mêmes comme Lui-même le fait avec la sienne. (Cit.. P. Debains 19)

3/ Il semble que le monde d’aujourd’hui doive être plus préparé qu’un autre à comprendre que le vrai Dieu ne peut être que ce Dieu infiniment dépouillé, le Dieu qui est Dieu parce qu’Il n’a rien, le Dieu qui vient à nous uniquement comme l’amour et qui suscite en nous l’amour qui répond au sien dans une égalité nuptiale. (Cit.. P. Debains 72)

Texte de M. ZUNDEL                      LE VIDE CREATEUR

Extraits de la conférence par Maurice Zundel en  1965 à Beyrouth

(…)  Comme toutes les valeurs de l’esprit se concentrent dans une Présence unique qui suscite et nourrit le dialogue silencieux où nous nous libérons peu à peu de la brute, en conquérant dans la même mesure notre dignité, c’est de cette Présence – qu’il est aussi simple d’appeler Dieu – qu’émane finalement cette exigence de ne jamais faire de mal, même à une mouche.

Comment dès lors attribuer à ce Dieu-là, qui est le Dieu-Esprit, le Dieu intérieur à nous-même, le Dieu compatissant à l’égard de la plus infime souffrance, la création de cet univers physique dans l’état où il se trouve actuellement? Cela paraît radicalement contradictoire et le scandale du mal, qui a fait tant d’athées, résulte précisément de l’impossibilité de concilier le spectacle du monde, tel qu’il est, avec le sens de la justice et de la bonté qui ne saurait être moindre en Dieu – s’il existe – qu’en nous-même, qui ne pouvons-nous réaliser humainement sans répudier la cruauté de cet ordre « naturel » où la vie ne subsiste qu’en tuant.

Le Dieu qui envoie ou retient la pluie, qui rend les femmes et les terres fécondes ou stériles, qui dispense à son gré les maladies ou les guérisons, qui donne ou retire la vie, qui suscite les fléaux vengeurs et les catastrophes punitives, peut-il être le Dieu qui inspire la prière des martyrs pour leurs bourreaux?

Question capitale, assurément, mais qu’il s’agit de bien poser, en déterminant clairement le niveau où elle cesse d’être équivoque.

Pouvons-nous, en effet, rendre le monde plus intelligible que nous-même? Si nous demeurons prisonniers de notre biologie et englués dans nos instincts les plus primitifs, si nous subissons notre être propre, en d’autres termes : sans y rien ajouter, nous resterons inévitablement enfermés dans un univers qu’il nous faudra pareillement subir sans le comprendre.

(…)

Mais nous ne pouvons émerger de l’univers chose, nous ne pouvons devenir quelqu’un qu’en face de quelqu’un et pour quelqu’un. Seule une présence personnelle qui nous saisit du dedans, par la lumière où tout son être se concentre en un seul point, peut susciter en nous un recentrement analogue où nous devenons lumière dans sa lumière, en décollant du fond obscur de notre moi préfabriqué.

(…)

On voit poindre ici ce vide créateur par quoi il faut entendre que la vraie liberté, la vraie grandeur et toute valeur authentique résulte en nous d’une dépossession oblative.

Mais ce qui vaut pour nous vaut sans doute aussi, analogiquement, pour la Présence unique à qui l’offrande de nous-même est dédiée. Si cette « beauté si antique et si nouvelle« , comme l’appelle Augustin, nous fait naître à notre inviolable intimité, c’est qu’elle nous touche du dedans, par un contact virginal où s’atteste la suprême désapropriation qui régit ses rapports avec elle-même.

Nous voilà implicitement confrontés avec la Trinité où la divinité se révèle comme n’ayant prise sur son être qu’en le communiquant: dans la réciprocité égale et parfaite des relations qui constituent et distinguent les trois personnes en faisant de la vie divine une éternelle communion d’amour.

C’est de ce dépouillement abyssal où « je » est un autre », c’est de cette évacuation radicale de toute adhérence à soi en Dieu même, que sourd le rayonnement qui nous guérit de nous-même, en nous recentrant dans un moi oblatif qui est pure référence à l’amour infini qui le suscite.

Nous naissons en tant que personnes, autrement dit, de la diffusion en nous d’un personnalisme divin, qui nous investit comme un espace d’amour, comme un « vide créateur » qui fait contrepoids à toutes nos possessions et qui nous libère, sans contrainte, en provoquant notre générosité.

Nous n’aurions pu, assurément, identifier, sans la Révélation, ce personnalisme divin avec la Trinité. Mais rien n’éclaire plus profondément le cheminement de notre libération que ce mystère de la pauvreté divine où le contact virginal de Dieu avec soi s’exprime dans les relations subsistantes où il se dépouille éternellement de soi.

(…)

C’est ainsi que nous-même en usons avec un autre, quand son amour-propre l’emprisonne dans son moi possessif. Nous ne pouvons vaincre ses résistances qu’en faisant le vide en nous de manière à créer l’espace d’amour où, délivré de toute contrainte, il pourra retrouver sa liberté à travers l’offrande silencieuse de la nôtre. (…)

Comme nous avons à passer de l’univers chose à l’univers personne, il apparaît tout de suite qu’ils ne peuvent être radicalement séparés. Une parabole nous aidera à comprendre comment et pourquoi ils s’opposent, tout en étant fondamentalement liés l’un à l’autre. Un jeune couple construit une maison pour y vivre son amour dans un cadre qui s’harmonise avec lui et où les choses même en reflètent le bonheur. Aussi longtemps que leur amour dure, le cadre créé par lui demeure transfiguré par la joie dont il est la source. S’ils cessent de s’aimer, il ne restera plus que des matériaux réduits à leur « choséité« , un cadre vide qui pourra leur sembler hostile, comme sont frappés de mort les lettres d’un être qui a trahi.

L’amour faisait le pont entre les époux et la maison. Eclairé par lui, l’aspect matériel de celle-ci s’effaçait dans la lumière dont il était le foyer. Il n’y avait qu’un monde où le dehors et le dedans jouaient sans dissonance l’un dans l’autre. C’est la mort de l’amour qui a rompu leur accord et créé leur dualité.

L’univers ne devait-il pas être, pareillement, une maison construite par et pour l’amour, dont l’un des partenaires – l’homme – a trahi en coupant le courant issu du premier amour qui, à travers lui, devait se communiquer jusqu’aux plus infimes particules de la matière? (…)

 

Le grand texte de saint Paul aux Romains ( 8, 19-22 ) nous apporte ici la plus précieuse confirmation :  » Le cou tendu, la création attend anxieusement la révélation des fils de Dieu. A la vanité, en effet, elle fut soumise, non de son plein gré mais par le fait de celui qui l’y a soumise, avec l’espoir qu’elle aussi sera affranchie de l’esclavage de la corruption jusqu’à la liberté de gloire des enfants de Dieu. Nous savons, en effet, que toute la création souffre et gémit dans les douleurs de l’enfantement jusqu’à maintenant. »

Est-il possible d’exprimer mieux que le monde actuel n’est pas ce qu’il devrait être et que son destin est lié à celui de l’homme qui l’a soumis à la vanité, mais qui peut aussi l’en affranchir en se libérant de soi ?

Saint François a connu, au terme de sa carrière, l’émerveillement d’un univers transfiguré par son amour et il a voulu en entendre chanter la splendeur au moment où il allait vaincre la mort, dans la rencontre avec l’amour dont il avait épousé la croix.

Si tous les hommes étaient des « saint François« , le monde, à tous les niveaux, ne connaîtrait-il pas la paix et la joie dans une immense respiration d’amour?

(…)

C’est pourquoi il nous a paru plus conforme à l’esprit de l’Evangile comme à l’expérience mystique de chercher le dernier secret de nos origines non dans une victoire magique sur le néant, mais dans la désappropriation relative qui constitue le personnalisme divin, en faisant de la vie trinitaire une éternelle communion d’amour.

Le « vide créateur » ne signifie pas autre chose que ce dépouillement intérieur à Dieu-même que saint François adorait avec une ferveur si passionnée sous les traits de Dame Pauvreté. (…)

Rien n’est vraiment de nous, en nous, sinon le geste libérateur qui fait nôtre tout ce que nous sommes, en le recréant dans l’amour qui le donne en posant les bases d’un univers de générosité.

(…)

C’est cela la grande aventure: de nous faire homme, en nous affranchissant de tout préfabriqué qui nous chosifie, pour être source, origine, espace. Toutes les techniques, toutes les réformes sociales, tous les spectacles et tous les jeux ne peuvent avoir d’autre sens que de concourir à cette libération créatrice qui donne à l’homme son vrai visage où transparaît, sans qu’il soit besoin de le nommer, l’infini que chacun porte en soi.

La banalité de la vie quotidienne, il est vrai, éteint pour beaucoup l’idée de cette aventure. Le malheur en ravive parfois dramatiquement l’appel                                                                                      lir 65 004

Évangile selon ST JEAN .Chap. 12 ,23 à 31

23 Alors Jésus leur déclare : « L’heure est venue où le Fils de l’homme doit être glorifié.

24 Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit.

25 Qui aime sa vie la perd ; qui s’en détache en ce monde la gardera pour la vie éternelle.

26 Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où moi je suis, là aussi sera mon serviteur. Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera.

27 Maintenant mon âme est bouleversée. Que vais-je dire ? “Père, sauve-moi de cette heure” ? – Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci !

28 Père, glorifie ton nom ! » Alors, du ciel vint une voix qui disait : « Je l’ai glorifié et je le glorifierai encore. »

29 En l’entendant, la foule qui se tenait là disait que c’était un coup de tonnerre. D’autres disaient : « C’est un ange qui lui a parlé. »

30 Mais Jésus leur répondit : « Ce n’est pas pour moi qu’il y a eu cette voix, mais pour vous.

31 Maintenant a lieu le jugement de ce monde ; maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors ;

 

Questions (à formuler par chacun(e) en référence  aux  textes ci-dessus)

 

Clôture     Prière de Maurice Zundel à Saint François

Ô! petit frère, divinement pauvre,

Apprends-moi à regarder toute chose

avec la passion et la tendresse que Dieu met à la créer.

 

Apprends-moi à aimer chaque homme  comme un frère,

à l’aimer avec une infinie miséricorde jusqu’au fond de son être,

là où Dieu atteste sa présence.

 

Apprends-moi à marcher sans cesse,  avec une infinie confiance,

sans peur des épines, ni des cailloux, ni des incompréhensions.

Apprends-moi à marcher pour dire les merveilles de l’Amour fou de Dieu.

1

Apprends-moi à épouser la croix de Jésus,

à éprouver jusqu’au coeur de mon cœur la douleur de Dieu.

 

Apprends-moi à apprivoiser la mort, cette douce compagne

qui ouvre la porte de la rencontre définitive.

 

Apprends-moi à chanter le Cantique fraternel où la vie se recueille en amour ruisselant..

 

Apprends-moi à devenir pauvre de tout et de moi

en la Présence bien aimée de la Trinité sainte.     Amen. Alleluia.