Jésus et femme adultère,
cathédrale St-Samson, Dol-de-Bretagne
Quand la Femme adultère rencontre le regard baissé de notre Seigneur, c’est tout un univers qui se révèle à elle. Comment ? Il était là tout à l’heure. C’était une pauvre femme. Elle avait cherché dans ce qu’on appelle le péché… Qu’est-ce qu’elle avait cherché ? Peut-être d’échapper à l’enfer de son ménage… Une goutte d’amour, peut-être, pour rafraîchir ses lèvres… Et voilà, elle avait été surprise en flagrant délit et on avait instruit son procès, et on allait la lapider.
Et ceux qui sont le plus empressés à la condamner, qui sont peut-être ceux qui ont abusé d’elle, veulent se servir de cette malheureuse pour mettre Jésus au pied du mur : Qu’est-ce qu’il va dire, qu’est-ce qu’il va dire, lui dont on dit qu’il est un prophète ? Qu’est-ce qu’il va dire, lui qui ne parle pas comme les autres. Qu’est-ce qu’il va dire devant la Loi de Moïse, qui est formelle ? Est-ce qu’il va se mettre contre Moïse et contre la Loi ? Quelle belle occasion de le jeter dans l’embarras ! Justement, ils ne connaissent pas l’univers que Jésus-Christ vient révéler au monde…
Le Christ, lui, sent immédiatement qu’il ne s’agit pas du bien, qu’il ne s’agit pas de vertu. Il s’agit de quoi ? Il s’agit uniquement de lui tendre un piège. Et il en a la nausée ! Il a la nausée de penser qu’on se sert de cette misérable, de cette pauvre femme, dont il devine la détresse, pour lui tendre un piège. Il a le dégoût de voir ces hommes qui sont probablement mille fois plus sensuels que cette femme elle-même, il a le dégoût de les voir jouer avec leur conscience à eux, qui est souillée autant que celle de cette femme, et de jouer avec la conscience de cette femme, simplement pour le mettre, lui, dans l’embarras.
Et il comprend la honte de cette femme, il comprend sa détresse et, pour ne pas ajouter à sa honte, il baisse les yeux devant elle. Il s’incline vers le sol. C’est lui qui est embarrassé, c’est lui qui éprouve de la honte pour leur lâcheté et pour sa misère. C’est lui. Et ils le pressent de questions : » Maître, que dis-tu de cela ? Maître, es-tu d’accord avec la Loi de Moïse ? Maître… »
Il leur répond simplement, en lisant dans leur conscience : » Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ! » Alors, cette voix qui jaillit du fond de leur conscience, cette voix, ils n’y peuvent résister, et ils s’en vont, à commencer par les plus vieux.
Et maintenant, il peut se redresser, il peut regarder cette femme, parce qu’elle a changé. Elle est devenue tout à fait autre qu’elle n’était devant ce respect qu’elle rencontre pour la première fois, devant ces yeux baissés qui ont voulu épargner sa honte, devant cette voix qui a jailli du fond de l’éternelle Vérité.
Elle est autre. Elle n’est plus la femme adultère, elle est la femme virginisée, la femme qui a rencontré au-dedans d’elle-même ce monde merveilleux qu’elle allait chercher au-dehors et, à travers cet Amour qui est venu à sa rencontre, elle est délivrée, elle est sauvée, elle est purifiée.
Et Jésus n’a plus rien à lui dire que ceci : » Où sont ceux qui te condamnaient ? Il n’y a plus personne ? – Non, il n’y a plus personne – Alors, va, va et ne pèche plus. Va, c’est fini. »
Le monde merveilleux est né en elle. Elle a compris. Enfin, elle a reconnu ce visage imprimé dans son cœur — et qui nous attend tous et chacun au fond de notre cœur
Maurice Zundel
Extrait d’une méditation sur le Dieu intérieur à chacun,
Gazhir, 1959