Pour une rencontre de partage entre Amis de Maurice Zundel
Les deux textes suivants ont fait l’objet de partage sur le thème Devenir de vrais vivants.
Homélie aux enfants par Maurice Zundel à Lausanne le 01-03-1960 et une longue citation de St Augustin qui a beaucoup marqué Maurice Zundel.
Une homélie à des enfants
Mes chers enfants
Je me trouvais, il y a sept ou huit semaines, dans un couvent du Liban, et je voyais, sous ma fenêtre, une basse-cour. Il y avait des poules, des coqs, des canards et des canes. Ce qui m’a frappé, c’est l’égoïsme féroce ce ces volatiles en présence de la nourriture. Ils se jetaient sur la nourriture en se donnant force coups de becs pour arriver les premiers. Il y avait, en particulier, un canard blanc qui était d’une méchanceté incroyable, et qui ne cessait d’attaquer ceux qui voulaient occuper sa place. Et, en les voyant manger, manger, se remplir et s’empiffrer du matin au soir, je me disais : Celui qui mange le plus, c’est celui qui sera le premier mangé. Il ne le sait pas, il ne le sait pas ! Il ne se doute pas qu’en se remplissant le ventre, il ne se doute pas qu’il sera mangé le premier. Et cela se traduisait, dans mon esprit, par cette petite phrase : Ils sont en train de manger leur mort, ils sont en train de manger leur mort.
Mais ce ne sont pas seulement les poules et les canards qui mangent leur mort, il y a des quantités d’hommes, de femmes et d’enfants qui mangent leur mort.
Je connais une jeune femme, gentille, charmante. Elle avait épousé un homme qui n’avait pas beaucoup d’argent. C’était d’ailleurs un très brave homme. Et elle a connu un homme riche qui avait une magnifique voiture. Et elle a fini par quitter son mari, et elle a abandonné son enfant pour se remarier avec cet homme riche. Il lui a donné une très belle voiture, de belles robes, de magnifiques bijoux. Et puis, un jour, l’homme riche a été ruiné, il a perdu toute sa fortune, et la femme qui l’avait épousé, pour son argent s’est trouvée plus pauvre qu’elle n’avait jamais été. Mais elle n’était pas seulement pauvre parce qu’elle ne pouvait plus se payer de belles robes et de magnifiques bijoux ! Elle avait perdu son cœur, elle avait perdu toute sa richesse intérieure, elle avait mangé sa mort, elle avait mangé sa mort.
J’ai connu – ça, c’est une autre histoire ‑ une femme admirable. C’était une femme pauvre, mais dont le coeur était d’une magnifique générosité. Et, un jour, son fils, qui avait volé – çà peut arriver à tout le monde – il avait volé et on l’emmenait en prison entre deux gendarmes. C’est alors que sa mère me dit ce mot extraordinaire, que je n’oublierai jamais ! » Si sa mère, si sa mère ne l’aimait plus, qui donc l’aimerait encore ? » Elle voulait dire : « Il est impossible que sa mère ne l’aime plus, car si sa mère ne l’aimait plus, il serait sans amour, sans amitié, sans affection, il serait condamné à mourir. »
Mais pourquoi est‑ce que la mère continuait à l’aimer d’un si grand amour ? Pourquoi est‑ce qu’elle voulait absolument l’envelopper de sa tendresse alors qu’il allait en prison entre deux gendarmes ? Ce n’était pas, naturellement, pour qu’il continue à voler ! Si elle l’aimait, ce n’est pas parce qu’il était un voleur, mais parce qu’il pouvait devenir autre chose, parce que sa mère croyait que, malgré ses fautes, il y avait en lui un trésor, il y avait en lui encore une possibilité de devenir quelqu’un et de faire des choses admirables. Elle croyait qu’il y avait en lui une source de grandeur, une source de joie et de bonheur ! Et ce qu’elle voulait sauver dans son enfant en l’aimant de toutes ses forces malgré ses fautes, c’était justement cette source intérieure, ce trésor caché au plus profond de notre coeur.
Vous êtes ici, à l’Eglise qui s’est remplie. C’est magnifique de voir cette église, pleine de visages sympathiques ! Est‑ce que vous croyez, vous croyez vraiment que vous porter en vous un trésor infini ? Est‑ce que vous croyez qu’il y a en vous une source qui, comme disait Jésus à la Samaritaine, jaillit en vie éternelle ?
Vous venez à l’église : c’est bien. ! Est‑ce que vous êtes chrétien ? Est‑ce qu’il y a dans cette église un seul chrétien ? Un chrétien véritable, quelqu’un qui y croit de toutes ses forces, quelqu’un qui sait qu’il porte Dieu dans son coeur, que tout le ciel est au-dedans de lui et que, partout où il va, il est lui‑même une vivante église ?
Est‑ce que la plupart des garçons et des filles ne sont pas comme les poules et les canards de la basse-cour du Liban ? Est‑ce qu’ils ne songent pas à manger, à manger les premiers, à s’amuser les premiers à avoir partout la place la plus favorable ? Est‑ce que la plupart d’entre nous, nous ne mangeons pas notre mort ? Est‑ce que nous savons qu’il y a en nous un Dieu qui nous attend ? Est‑ce que nous savons que l’église de pierre, dans laquelle nous sommes rassemblés, n’est rien, elle pourrait tomber en ruines, ça n’aurait aucune importance si l’Eglise de Dieu est vivante au-dedans de nous ?
Il y avait un sage, un philosophe qui était aussi un empereur : Marc Aurèle, qui écrivait, dans son Journal, ce mot étonnant et vraiment digne d’admiration : Creuse, creuse au-dedans. Creuse au-dedans car la Source est en toi. Et si tu creuses, elle est toujours prête à jaillir, pourvu que tu creuses toujours. Si nous n’apprenons pas à creuser au-dedans de nous, nous ne serons jamais chrétiens. Ce n’est pas au dehors qu’il faut chercher Dieu, c’est au-dedans de nous.
Si nous y croyions ! Si chacun de nous pensait qu’au-dedans de lui, Dieu l’attend, si chacun de nous allait en pèlerinage vers cet ami qui l’attend au plus intime de son coeur, toute notre vie serait changée, car au lieu de chercher au dehors, au lieu de manger, de nous remplir de chocolat et de bonbons, au lieu de donner des coups de poing ou des coups de pieds pour occuper les premières places, nous serions tous attentifs à ce Visage qui est imprimé dans nos cœurs.
C’est ce que nous voulons essayer de faire, ce matin, pour commencer de devenir chrétien. Quelqu’un a dit ce mot que je ne cesse de me répéter : Il faut s’approcher de soi-même sur la pointe des pieds.Il faut s’approcher de soi-même sur la pointe des pieds parce que, justement, au-dedans de nous, il y a tout le Ciel ; au-dedans de nous, il y a un ami qui nous attend. Et les vrais chrétiens sont ceux, justement, qui vont en pèlerinage vers l’ami qui demeure en nous.
Nous allons demander, ce matin, à Jésus, de nous aider à faire cette découverte, et de nous faire comprendre que toutes les prières que nous disons ici, toutes les cérémonies qui s’y accomplissent, n’ont qu’un seul but, c’est de faire de nous une vivante Eglise et de nous apprendre que nous portons Dieu dans notre coeur comme un soleil qui peut éclairer le monde entier et que, en sortant de l’église, justement, nous n’avons pas autre chose à faire qu’à donner aux autres cette lumière adorable du Dieu vivant en leur apportant le rayonnement et le sourire de sa bonté.
Alors, vous n’oublierez pas que le plus grand danger pour nous, c’est de manger notre mort et que, si nous sommes ici, c’est justement pour apprendre à devenir de vrais vivants, en découvrant Dieu comme un soleil caché au plus intime de notre coeur. (Sfn 60 0301)
Une longue citation de St Augustin :
Dieu au-dedans de nous
Où donc vous ai-je trouvé, pour vous connaître ? Vous n’étiez pas encore dans ma mémoire, avant que je vous connaisse. Où donc vous ai-je trouvé, pour vous connaître, sinon en vous, au-dessus de moi? Là, il n’y absolument pas d’espace. Que nous nous éloignions de vous ou que nous nous en rapprochions, il n’y a absolument pas d’’espace.
0h vérité, vous donnez partout audience à ceux qui vous consultent, et vous répondez en même temps à toutes ces consultations diverses.
Vous répondez clairement, mais tous n’entendent pas clairement. Ils vous consultent sur ce qu’ils veulent, mais ils n’entendent pas toujours les réponses qu’ils veulent.
Votre meilleur serviteur est celui qui ne songe pas à recevoir de vous la réponse qu’il veut, mais plutôt à vouloir ce que vous lui dites.
Tard je vous ai aimée. Beauté, si ancienne et si nouvelle, tard je vous ai aimé e. C’est que vous étiez au-dedans de moi, et, moi, j’étais en dehors de moi! Et c’est là que je vous cherchais; ma laideur se jetait sur tout ce que vous avez fait de beau. Vous étiez avec moi et je n’étais pas avec vous. Ce qui loin de vous me retenait, c’étaient ces choses qui ne seraient pas, si elles n’étaient en vous.
Vous m’avez appelé, vous avez crié, et vous êtes venu à bout de ma surdité ; vous avez étincelé, et votre splendeur a mis en fuite ma cécité ; vous avez répandu votre parfum, je l’ai respiré et je soupire après vous; je vous ai goûté et j’ai faim et soif de vous; vous m’avez touché, et je brûle du dé sir de votre paix.
Et pourquoi ne pas tenter vous aussi l’aventure du partage ?
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